Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne voyant pas qu’il peust aller plus loin ce jour là, il estoit venu demander retraite pour cette nuit, en attendant que l’on racommodast son Chariot, & qu’il la luy avoit accordée. Ce Concierge qui ne songeoit simplement qu’à me dire pourquoy Artambare estoit là, ne me dit rien d’Hermaniste sa femme, ny d’Amestris qui estoit sa fille : si bien qu’apres luy avoir dit qu’il avoit bien fait ; & apres luy avoir ordonné qu’il fist toutes choses possibles, pour bien traiter Artambare ; je m’en allay en diligence dans le Jardin, où cét homme me dit qu’il estoit. Mais Seigneur, je fus estranggement surpris de trouver dans un Cabinet de verdure, que je voulus traverser, pour aller au Parterre ; la plus belle personne que je vy de ma vie, & que je ne connoissois point du tout ; car Amestris n’avoit jamais esté à la Cour. Cette belle fille ne fut guere moins surprise de me voir, que je le fus de la rencontrer : Car croyant quil n’y avoit personne dans cette Maison que des Domestiques, elle ne s’estoit pas attenduë à y voir un homme fait comme moy. Et en effet, comme il faisoit assez chaud, & qu’elle n’avoit qu’une de ses femmes avec elle ; elle avoit osté un Crespe qui luy couvroit la gorge, qu’elle a admirablement belle : & ayant les bras assez descouverts, elle estoit negligemment couchée sur un siege de gazon : la teste appuyée sur les genoux de cette fille qui estoit aupres d’elle. Je ne la vy opas plustost que je m’arrestay : & dés le premier moment qu’elle m’aperçeut, elle se leva avec precipitation, & se fit remettre son Crespe. Nous rougismes tous deux à cét abord : mais ce fut sans doute, par des sentimens differens : la modestie faisant en elle, ce que l’amour fit en moy. Car Seigneur, le premier instant