Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/431

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au monde. Vous estes bien flateur pour un solitaire, interrompit Amestris : Je suis bien sincere, Madame, reprit-il, & c’est pour cette raison que je vous ay dit si franchement, ce que je devois peut-estre me contenter de penser. Apres cela, Hermaniste changea la conversation : & les nouvelles du monde, & les divertissemens de la Cour, furent ce qui servit d’entretien, durant toute l’apres-disnée.

Pour moy je parlay peu tout ce jour-là : & j’estois si occupé, à regarder Amestris ; à observer Megabise, Arbate, & Otane ; que je ne le fus jamais plus. Je voyois Megabise devenir tous les jours plus amoureux : & cent autres paroistre aussi tous les jours, plus assidus & plus passionnez. Arbate selon mon sens, se plaisoit trop en cette premiere conversation, pour un homme qui aimoit tant la solitude : & Amestris avoit une civilité si esgallé ; & une modestie qui cachoit si bien ses sentimens ; que je ne les pouvois descouvrir. Enfin je fus fort inquiet tout ce jour-là : & jusques au point, qu’Amestris s’en aperçeut & m’en fit la guerre avec beaucoup d’adresse : me reprochant agreablement, que si elle ne m’eust connu que de reputation non plus que mon Amy ; elle eust pris Aglatidas pour Arbate, & Arbate pour Aglatidas. Cependant je me creus fort heureux de ce qu’Amestris s’estoit aperçeuë de ma mauvaise humeur : & Arbate demeura tres-satisfait, de ce que la solitude en laquelle il avoit accoustumé de vivre, ne l’avoit pas fait paroistre plus melancolique qu’un autre. Le soir estant venu, chacun & retira chez soy : je menay pourant Arbate chez mon Pere : & voulant l’entretenir, je le conduisis sur une Terrasse, d’où l’on voit l’Oronte, qui comme vous sçavez passe à Ecbatane. Comme