Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/484

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ne vous dis point quelle fut ma melancolie & mon chagrin, pendant ce voyage & pendant mon exil : estant assez aisé de comprendre, qu’une amour aussi violente, que celle qui regnoit dans mon cœur ; & une ame aussi passionnée que la mienne ; ne me laisserent guere en repos. Aussi tost apres mon départ, j’apris encore une nouvelle, qui augmenta beaucoup ma douleur : qui fut qu’Hermaniste ayant esté prise d’une fievre continuë, en estoit morte le septiesme jour : & qu’Artambare qui l’aimoit avec une tendresse inconcevable, en estoit tombé malade. Le malheur ne s’arresta pas encore là : car quelques jours apres, je sçeu que le Mary avoit suivy au Tombeau, celle qu’il avoit tant aimée au monde : & qu’Amestris par les ordres du Roy, avoit esté remise sous la conduite d’un de ses parens, qui estoit allié de Megabise, & qui n’estoit point du tout de mes amis. Je vous laisse à penser, Seigneur, en quel estat me mirent ses funestes nouvelles : j’avois effectivement beaucoup d’obligation à Artambare & à Hermaniste : de plus, je partageois encore l’affliction d’Amestris : & je voyois outre cela, qu’elle alloit en des mains ennemies, qui ne me permettroient pas de la voir facilement : & qu’enfin je n’avois rien à esperer, qu’en la fidelité d’Amestris : que je n’avois pas, ce me sembloit, assez bien meritée, pour m’y devoir assurer. Ce n’est pas que je ne sçeusse que mon Pere desiroit tousjours nostre Mariage : mais il y avoit pourtant lieu de craindre, que s’il voyoit que le Roy changeast de sentimens en faveur de Megabise qui avoit fait sa paix, apres mon troisiesme combat : il ne changeast aussi bien que luy, & ne s’accommodast au temps, pour obtenir plus facilement ma grace. Je vivois