Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/529

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pour mon parent : ny croire presque qu’il soit encore ce mesme Aglatidas que j’ay connu autrefois : & que j’ay tant estimé. Enfin, luy dit elle, il sert Anatise ; il la suit en tous lieux : & je pense qu’il l’aime effectivement. Mais quoy que ce crime soit grand, ce n’est pas encore ce qui m’anime le plus contre luy : car apres tout, ceux qui sont nais foibles & inconstrans, meritent plustost de la compassion que des reproches : puis qu’il est certain qu’ils ne font que ce qu’ils ne peuvent s’empescher de faire. Mais qu’Aglatidas veüille excuser son crime, en vous en supposant un ; c’est ce que je ne puis souffrir : & c’est ce que j’ay creû à propos de vous dire : afin que par vostre haine & par vostre mépris, vous le punissiez de son extravagance, & de son ingratitude. Quoy, interrompit Amestris, Aglatidas m’accuse de quelque chose ? Ouy, repliqua Menaste, il dit que vous l’avez trahi ; il dit qu’il l’a veû de ses propres yeux ; qu’il n’en sçauroit jamais douter ; & que vostre nouveau choix est beaucoup plus déraisonnable que le sien. Enfin, dit elle, je ne puis dire autre chose, sinon qu’il a de la folie & de la malice tout ensemble. Amestris fut si surprise de ce discours, que son ame toute grande qu’elle estoit, ne pût s’empescher d’en estre esbranlée : elle changea de couleur ; les larmes luy vinrent aux yeux ; & sa sagesse eut beaucoup de peine à les retenir. Si elle se souvenoit de l’amour que je luy avois tesmoignée, & du respect : avec lequel je l’avois servie, elle regardoit mon changement, comme luy ayant causé une perte irreparable : Si elle repassoit en sa memoire, la bonté quelle avoit euë pour moy ; elle ne pouvoit assez condamner mon ingratitude : si elle consideroit la fidelité qu’elle m’avoit