fait de nos Familles : & m’avoit aussi ordonné, de ne le quereller plus jamais : & d’éviter sa rencontre, autant qu’il me seroit possible : estant juste d’avoir ce respect pour un homme dont j’avois tué le Frere. Megabise ne voulant donc entrer que de nuit dans la Ville, afin de pouvoir estre plus particulierement informé de l’estat des choses, auparavant que de recevoir des visites ; se resolut d’aller passer le reste du jour, dans le mesme Jardin où j’estois, comme le sçachant peu frequenté : & où estoient aussi Amestris & Anatise. Megabise donc qui connoissoit fort celuy à qui apartenoit ce Jardin, y entra aussi tost qu’il fut descendu de cheval : & dans le mesme instant, qu’Amestris emportée de colere de me voir aupres d’Anatise, disoit à Menaste qu’elle avoit bien eu raison, de luy conseiller de me punir. Megabise donc entrant inopinément, fut extrémement surpris, de voir en un mesme lieu, son Rival & sa Maistresse : & plus surpris encore de remarquer que je n’estois pas avec Amestris. Cependant Seigneur, comme Megabise ne l’avoit point veuë, depuis le jour qu’il luy avoit promis de ne la voir plus, & de ne luy parler plus ; il voulut luy faire connoistre par son respect, qu’il n’avoit pas oublié la parole qu’il luy avoit donnée : de sorte qu’apres luy avoir fait une profonde reverence, il voulut se retirer, & sortir de ce Jardin. Mais Amestris qui avoit l’esprit irrité, croyant avoir trouvé une occasion favorable de se vanger, l’appella, & le reçeut avec beaucoup de civilité : ce qui luy donna autant de joye, qu’il me donna d’affliction. Car Seigneur, j’avois veû entrer Megabise ; j’avois remarqué qu’il avoit voulu s’en aller, & qu’elle l’avoit retenu ; j’avois creû qu’il en usoit ainsi,
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