fait apeller : & s’imagina encore, que cela me confirmeroit en l’opinion que j’avois d’elle : de sorte qu’elle se confirma d’autant plus elle mesme, en sa bizarre resolution. Cependant Artabane estant monté à cheval, avec dix ou douze de mes Amis, afin de me chercher, il le fit avec tant de soin, qu’il me descouvrit, comme je ne faisois que d’aprendre par le retour de celuy que j’avois envoyé, que Megabise estoit arresté : & qu’il me mandoit par luy qu’il ne manqueroit pas de me satisfaire, & de se satisfaire luy mesme, aussi tost qu’il le pourroit. Mai comme j’aperçeus Artabane de deux cens pas loing, & que je ne voulois pas estre arresté comme Megabise, je poussay mon cheval au grand galop, & tournant la teste à diverses fois, je vy qu’Artabane devançant tous les autres, poussoit le sien à toute bride : & me faisoit signe de la main que je m’arrestasse, & qu’il me vouloit parler. Mais comme mon malheur avoit resolu ma perte, je me persuaday qu’Artabane qui avoit de la sagesse, avoit trouvé mauvais que j’eusse fait appeller un homme de qui j’avois tué le Frere. En effet je connoissois bien que cela n’estoit pas trop raisonnable : de sorte que m’imaginant qu’il n’avoit rien à me dire, sinon qu’il faloit que le Roy m’accommodast avec Megabise ; plus il me faisoit de signes, plus je pressois mon cheval. J’entendis mesme plusieurs fois sa voix sans luy vouloir respondre : & je pense qu’il m’eust à la fin atteint, n’eust esté qu’ayant rencontré un grand fossé que mon cheval franchit sans s’arrester, il ne pût venir à bout d’en faire faire autant au sien, qu’apres un qu’art d’heure de chastiment. Pendant cela, ayant trouvé un bois qui me déroba à sa veuë, j’en quittay la route
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