temps Femme d’Otane.
Je prononçay ces paroles avec une violence, dont je ne pus pas estre le Maistre : Mais Dieux ! je fus bien estonné, lors que je vy Amestris se reculer d’un pas, & me regarder d’un air imperieux, où il ne paroissoit guere moins de colere que de tristesse. Sçachez Aglatidas, me dit elle, que comme je n’ay pas changé de sentimens pour vous, je n’ay pas aussi changé de vertu. Je suis tousjours la mesme personne que vous avez connuë : c’est à dire, incapable de toute injustice. Je vous ay aimé, je l’avoüe : mais je vous ay aimé sans crime. Ne pensez donc pas, qu’encore que j’aye toujours eu de l’aversion pour Otane, & que je ne l’aye espousé que par un sentiment que je ne puis moy mesme exprimer, je puisse jamais desirer de n’estre plus sa Femme : je voudrois sans doute ne l’avoir point esté : mais puis que je la suis, il faut que je vive comme l’estant. Et pour ne vous tromper point, sçachez (poursuivit elle, les yeux tous pleins de larmes, qu’elle vouloit retenir) qu’il faut que je vive le reste de mes jours avec Otane que j’ay tousjours haï comme si je l’aimois : & avec Aglatidas, que j’ay tousjours aimé, comme si je le haïssois. Quoy Madame, luy dis-je, il faut que vous viviez avec Aglatidas, comme si vous le haïssiez ! Et quelle severe vertu vous peut imposer une telle loy ? Non non, Madame, luy dis-je, ne craignez rien de ma violence : & ne me punissez pas si cruellement, d’une parole prononcée contre ma volonté, & sans dessein de l’executer. J’ay voulu faire perdre la vie à Megabise, parce que je croyois que vous l’aimiez : mais je n’attenteray pas à celle d’Otane, que vous n’avez point aimé : & que je veux esperer, que vous n’aimerez jamais. Qu’il vive donc cét