Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/577

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heureux Mary de la belle Ametris : pourveû qu’elle souffre que je la voye quelquefois : & que je la face souvenir de ces glorieux moments, où par la volonté d’Artambare, je pouvois esperer d’occuper la place qu’Otane occupe aujourd’huy. Qu’il la possede en paix, adjoustay-je, cette glorieuse place, puis que les Destins l’ont voulu : mais laissez moy aussi posseder en repos, ce que vous m’avez donné. Laissez moy Madame, joüir de quelque legere ombre de felicité, dans les derniers moments de ma vie : Vous pouvez si vous le voulez, me conduire à la mort, comme l’on y conduit les Victimes : c’est à dire avec des chants d’allegresse, & des Couronnes de fleurs. Ouy Madame, je mourray avec joye & avec gloire, si vous souffrez seulement que je vous rende conte de mes douleurs : & ne craignez pas que je desire jamais de vous, rien qui vous puisse déplaire. Non divine Amestris, je ne veux qu’estre escouté favorablement dans mes pleintes : ou tout au plus, je ne veux qu’estre consolé, par quelques paroles de tendresse. Vous escoutastes Megabise que vous n’aimiez pas, refuserez vous la mesme grace, à un homme que vous n’avez pas haï, & que peut-estre ne haïssez vous pas encore ? C’est pour cette raison, reprit elle, que je vous dois tout refuser : Car enfin Aglatidas je vous ay aimé, & je ne vous puis haïr : de sorte que c’est pour cela, que je me dois deffier de mes propres sentiments. Ce n’est pas, poursuivit elle (et les Dieux le sçavent bien) que quelque affection que je pusse avoir pour vous, je pusse jamais manquer à rien, ny de ce que je dois à Otane, ny de ce que je me dois à moy mesme ; Mais apres tout, ne pouvant plus estre à vous, je ne dois plus continuer