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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/580

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mon affection demande que vous viviez, au moins tant que je vivray. Ayez patience Aglatidas, adjousta t’elle, le terme ne sera peut-estre pas long. Ha Madame, luy dis-je, ne parlez point de vostre mort : oubliez plustost le malheureux Aglatidas, que de faire entrer au Tombeau, la plus belle personne du Monde. Vous feriez mieux, interrompit elle, de la nommer la plus infortunée : & peut-estre aussi, adjoustay-je, la plus injuste, & la plus inhumaine. Mais au nom de ces mesmes Dieux que j’ay desja invoquez Madame, luy dis-je, souffrez au moins que je vous parle encore une fois : adieu Aglatidas, me dit elle, adieu ? je commence à sentir que mon cœur me trahiroit, si je vous escoutois davantage : & que je ne dois pas me fier plus long temps à ma propre vertu contre vous. Vivez, adjousta t’elle, si vous pouvez : n’aimez qu’Amestris s’il est possible : & ne la voyez jamais plus. Elle vous en prie : & mesme si vous le voulez, elle vous l’ordonne. En achevant de prononcer ces tristes paroles, elle me quitta toute en larmes : & tout ce que je pûs faire, fut de luy baiser la main, qu’elle retira d’entre les miennes, avec assez de violence.

Vous pouvez juger Seigneur, en quel estat je demeuray, lors que je vy partir Amestris avec Menaste : qui pendant toute nostre conversation, s’estoit tenuë à trois pas de nous, pour prendre garde si personne ne venoit : ne laissant pas d’entendre de là tout ce que nous disions. Je ne m’arresteray point Seigneur, à vous exagerer tous mes sentimens, car ce seroit abuser de vostre patience : je vous diray seulement, que personne ne s’est jamais estimé plus malheureux que je me le trouvois. Car enfin je voyois que j’