Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/581

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aimois, & que j’estois aimé : mais qu’apres tout, je n’avois plus d’esperance. Je voyois mesme qu’il ne m’estoit pas permis d’oster mon bien, à celuy qui le possedoit : je n’avois plus de Rival à punir : je n’avois plus de Maistresse inconstrante, de qui je me peusse pleindre ; quel soulagement pouvois-je donc esperer dans mes douleurs ? Il n’y avoit pas moyen de pouvoir songer à oublier jamais une personne qui m’aimoit ; qui occupoit mon cœur ; mon esprit ; & toute ma memoire, & pour laquelle j’oubliois tout le reste du monde. Il ne m’estoit plus permis d’esperer de luy pouvoir parler : elle m’avoit mesme deffendu de mourir : enfin je ne trouvois rien qui ne m’affligeast extraordinairement. Neantmoins je voulus essayer de nouveau, si par l’adresse de Menaste, je ne pourrois point parler encore une fois à Amestris : mais Seigneur, il me fut impossible : & depuis ce jour là, cette cruelle personne ne voulut plus aller à nulle promenade, de peur de m’y rencontrer : & elle feignit mesme d’estre malade, afin de ne sortir plus du tout. Ayant donc apris par Menaste, que rien ne pouvoit changer la resolution d’Amestris : je pris celle de m’esloigner d’un lieu, où je ne la pouvois voir : & où j’eusse contribué peut-estre encore à sa perte, par la contrainte où elle vivoit, à ma consideration. Pour Megabise, qui avoit aussi esté fort touché du mariage d’Amestris ; quoy qu’il se fust imaginé ne l’aimer plus, quand il estoit revenu à Ecbatane, il sentit aussi bien que moy, que l’on ne se deffait pas aisément d’une passion violente. Astiage ayant sçeu où j’estois, nous accommoda, sans pourtant nous faire embrasser ny nous faire voir : me commandant parce que j’avois tué son frere, d’éviter sa