Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/81

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ay soustenuë long temps sur les flots : mais ô Dieux ! un coup de Mer espouvantable à fait détacher cette malheureuse Escharpe, qui m’est demeurée à la main : & tout d’un coup cette mesme vague nous ayant separez, je n’ay fait que l’entrevoir parmy les ondes, sans pouvoir ny la rejoindre, ny la secourir. Ne me demandez plus apres cela, ce que j’ay fait ; ny ce que j’ay pensé : j’ay souhaité la mort ; & je me suis abandonné à la fureur des vagues, sans prendre plus aucun soin de ma vie : Et enfin je me suis trouvé esvnoüy sur le rivage, entre les mains de ceux qui sont dans cette Cabane. Voila, Artamene, tout ce que je puis vous dire : & voila, Prince infortuné, luy dit il en luy presentant cette funeste Escharpe qu’il tenoit, ce qui vous apartient mieux qu’à moy : qui n’attens plus rien au monde, que la gloire de mourir de vostre main, si vous me la voulez accorder. Mazare prononça ces dernieres paroles d’une voix si basse & si foible, que chacun creut qu’il s’en alloit expirer : Artamene le voyant en cét estat, prist cette Escharpe, que ce malheureux Prince, dans sa foiblesse, avoit laissé tomber aupres de luy : & s’esloignant d’un Ennemy, qui n’estoit pas en estat de satisfaire sa vangeance, apres avoir satisfait sa curiosité ; il sortit de cette maison, & s’en alla tout le long du rivage de la Mer, suivi de Chrisante & de Feraulas ; pour voir si par hazard il ne trouveroit point encore du moins quelque chose, qui eust esté à sa Princesse.

Il commanda mesme à ces Pescheurs, qu’il avoit laissez au bord de la Mer, d’aller tous le long des rochers, pour voir s’ils n’y descouriroient rien, de ce qu’il craignoit, & de ce qu’il desiroit tout ensemble de trouver. Jamais l’on n’a vû personne en un si