Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/87

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en la perte de cette Princesse. Cependant Artamene qui crût qu’il luy seroit plus aisé de cacher sa douleur dans la Ville qu’en ce lieu là, parce qu’il pourroit y estre seul dans sa chambre, sur le pretexte d’y aller escrire cette funeste nouvelle à Ciaxare ; en reprit le chemin, apres avoir ordonné à Feraulas, d’aller encore avec quelques uns de ceux qui avoient accompagné Thrasibule ; chercher & s’informer tout le long du rivage, si l’on n’auroit rien veû ny rien trouvé, qui peust donner une connoissance plus assurée, du salut ou de la perte de la Princesse. Pendant ce chemin, il parla le moins qu’il luy fut possible : & tous les autres s’entretindrent de ce funeste accident. Les uns plaignoient la Princesse, pour les grandes qualitez qu’elle possedoit ; soit pour les beautez du corps ; soit pour celles de l’esprit ; ou pour les beautez de l’ame : les autres pleignoient le Roy son pere, pour la douleur qu’il recevroit : & les autres disoient, que c’estoit grand dommage qu’une Race aussi illustre que celle des Rois des Medes, s’esteignist en cette Princesse, d’une maniere si pitoyable. Enfin tous pleignoient, & tous regrettoient cette perte, sans sçavoir que celuy qui estoit le plus à pleindre, estoit meslé parmy eux. Hidaspe parlant à Chrisante, cét accident, luy dit il, me fait souvenir, de la douleur que ressentit le Roy de Perse nostre Maistre, lors qu’il reçeut les nouvelles du naufrage du jeune Cyrus : qui comme vous sçavez mieux que moy, estoit le Prince du monde de la plus belle esperance : & comme je ne doute point que Ciaxare ne soit aussi sensible au malheur de la Princesse sa fille, que Cambise le fut à celuy du Prince son fils ; je le pleins infiniment. Car encore que je ne fusse pas si estroitement attaché que le Roy, aux interests