Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, première partie, 1654.djvu/96

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douleur ne seroit pas sans remede. Ciaxare ne trouva pourtant pas grande consolation en ce discours : & quoy qu’il aimast Artamene ; qu’il luy eust des obligations infinies ; & qu’il n’eust jamais eu le moindre soubçon de sa fidelité ; neantmoins en cette rencontre, il ne pouvoit concevoir que le Roy d’Assirie se fust sauvé, sans qu’Artamene fust au moins coupable de peu de soin, & de beaucoup d’imprudence, quoy qu’il n’eust jamais veû nulle de ses actions, qui luy peust donner un raisonnable sujet, de l’accuser de semblables choses. Il sortit donc de ce Cabinet, sans luy parler davantage : & trouvant dans sa Chambre tous les Princes, & tous les Chefs qui l’avoient suivi ; il leur parla de son affliction avec assez de constrance, quoy qu’avec beaucoup de douleur : & chacun selon l’obligation qu’il y avoit, luy tesmoigna la part qu’il prenoit en sa perte : luy disant pourtant tousjours, que tant que le corps de la Princesse ne paroistroit point, il faloit conserver quelque esperance. Pour Artamene, il passa un moment apres dans une autre Chambre : où tous ces Princes qui avoient suivi Ciaxare, furent les uns apres les autres luy faire compliment, & le visiter : car ils le regardoient bien plus, comme leur Protecteur & leur Maistre, que non pas le Roy qu’il servoit.

Cependant Ciaxare qui vouloit estre pleinement esclairci, de tout ce qui s’estoit passé en la fuite du Roy d’Assirie ; sçeut qu’il avoit esté mis à la garde d’Araspe, qui estoit un des hommes du monde qu’Artamene aimoit le plus : toute-fois quoy qu’il pûst faire il ne pût jamais rien descouvrir, qui luy fist voir que personne des siens eust facilité l’evasion du Roy d’Assirie. Mais parmi ceux qui estoient venus avec le Roy, il y avoit un