Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/18

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Cyrus eſtoit encore plus affligé que le Roy d’Aſſirie : qui ſe fiant touſjours un peu au favorable Oracle qu’il avoit reçeu à Babylone, ne deſesperoit jamais de rien : Mais pour Cyrus qui n’avoit pas ce ſecours dans ſes mal-heurs, il craignoit tout, & n’eſperoit preſque aucune choſe. Le Prince Tigrane, le Prince Phraarte, & toutes les autres Perſonnes de qualité, faiſoient ce qu’ils pouvoient pour les conſoler tous deux : principalement Cyrus, qui avoit l’amour de tout le monde, mais c’eſtoit inutilement. Comme ces Princes jugeoient que les Troupes que devoit avoir laiſſées le Roy de Pont au deça de la Riviere, ne pouvoient pas eſtre fort eſloignées, ils ſe tinrent ſur leurs gardes, & marcherent en bon ordre, en retournant ſur leurs pas, pour aller vers cét autre Pont où l’on pouvoit paſſer ce Fleuve. Cependant l’Amour, qui ne fait faire que des actions heroïques, aux cœurs qui en ſont poſſedez : fit que Cyrus & le Roy d’Aſſirie ne pouvant ſe reſoudre à marcher ſi lentement avec tant de monde, prirent ſeulement cent Chevaux : Cyrus commandant abſolument au reſte de ſes gens, d’attendre de ſes nouvelles en ce lieu là, & de garder le Pont, de peur qu’Abradate ne s’en ſaisist, s’il aprenoit qu’ils fuſſent allez apres Mandane. Tous ces autres Princes le ſuivirent en cette occaſion : & furent auſſi bien que luy avec le plus de diligence qu’ils purent, vers l’endroit où l’on pouvoit paſſer la Riviere : ils furent pourtant contraints de laiſſer repoſer une heure ou deux leurs chevaux : apres quoy, ils reprirent leur chemin, & le lendemain à la pointe du jour ils paſſerent ce Fleuve, & eurent au moins la conſolation de penſer que rien ne les ſeparoit plus de Mandane.

Cyrus crût à propos d’envoyer Feraulas à Tarſe,