Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/200

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quelque chose de negligé, ne laissoient pas d’estre fort majestueux. L’un & l’autre estoient tissus d’or & de soye de diverses couleurs : car le deüil des Veusves parmy les Massagettes ne passejamais la premiere année. Sa coiffure estoit assez haute par derriere, d’où pendoit un crespe qui apres avoir esté jusqu’à terre, se s’atachoit sur l’espaule ; & se mesloit confusément avec un grand Panache de diverses couleurs qui luy flottoit sur la teste. Ses cheveux qui sont blonds estoient à demy espars, & sa gorge pleine & blanche, à demy cachée, d’une gaze plissée & transparente, qui donnoit beaucoup d’agrément à son habit, l’oubliois de vous dire que sa robe estoit retroussée du costé droit avec une agrasse de Pierreries : ce qui faisoit voir qu’elle estoit doublée de peaux de Tigres admirablement belles, & fort mouchetées. Elle avoit des Brodequins de drap d’or bordez de cette mesme fourrure, & s’attachez sur le devant par des meuffles de Lyon, faits d’or massif, & dont les yeux estoient de Rubis. Enfin l’on peut dire que l’habillement de Thomiris ornoit sa beauté, comme sa beauté ornoit son habillement. Cette Princesse, qui effectivement n’avoit alors que vingt-neuf ans, ne m’en parut pas avoir plus de vingt : elle est d’une taille fort avantageuse, & un peu au dessus de la grandeur ordinaire : elle a la mine haute, mais un peu superbe : les yeux beaux & remplis de feu : le teint si blanc, si vif, & couvert d’une fraischeur si agreable, que la premiere jeunesse n’en peut jamais donner davantage à personne. En un mot, elle a une belle bouche, de belles dents de belles mains, de beaux bras, & et un embonpoint admirable. Je trouvay donc Thomiris une tres belle Princesse : & mon Maistre tout preocupé