Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/437

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la terre que l’on avoit eſlevée, tant pour ſe couvrir de peur d’eſtre aperçeus, que pour creuſer les Tranchées qui devoient deſtourner le Fleuve. Imaginez vous donc ſage Chriſante, en quel eſtat eſtoit alors ce Prince : il voyoit de ce lieu eſlevé, toute une grande Ville en armes contre luy : il voyoit qu’il alloit eſtre attaqué d’une maniere, que quand tout ce Peuple l’euſt ſecondé, il euſt encore bien eu de la peine à reſister à ſes Ennemis. Car comme l’Euphrate eſt fort large, il jugeoit bien qu’ils entreroient par les deux bouts de la Ville, avec des Bataillons tous formez : & que l’on auroit pas le temps de faire des Retranchemens pour les en empeſcher. Mais la choſe n’eſtoit pas ſeulement en ces termes : car il n’ignoroit pas que dés que ſes Ennemis paroiſtroient, le Peuple taſcheroit de prendre la Princeſſe, afin de faire ſa compoſition avec Ciaxare : & que ſe trouvant alors dans la neceſſité de deffendre le Palais où elle eſtoit contre ce Peuple, & de repouſſer le Roy des Medes tout enſemble, il luy ſeroit impoſſible de le pouvoir faire. Enfin deſesperé de pouvoir conſerver Babilone & la Princeſſe, il ne balança point entre les deux : & l’amour l’emportant ſur toute autre conſideration, il ne ſongea plus qu’à executer le deſſein qu’il avoit fait avec Mazare. Il deſcendit donc en diligence de cette Tour : & fit ſemblant de vouloir appaiſer le Peuple par la douceur, luy faiſant eſperer quelque accommodement afin de gagner temps : pendant quoy Mazare agiſſoit, & donnoit ordre que tout fuſt preſt pour executer leur entre priſe à l’entrée de la nuit s’il en eſtoit beſoing. Le Roy d’Aſſirie voulut pourtant ne ſonger pas à partir, que l’on euſt veû effectivement que ſes ennemis avoient