Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/438

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fait reüſſir la leur : & d’autant moins qu’il s’imagina, comme il eſtoit vray, qu’Artamene ne doutant point du tout qu’il n’emportaſt la Ville par ces deux endroits où il la devoit attaquer, tout le reſte ſeroit moins gardé qu’à l’ordinaire : parce que tout l’effort ſe ſeroit en ces deux attaques ſeulement. Les choſes eſtoient en cét eſtat, ſans que nous en sçeuſſions rien : Mais tout d’un coup nous entendiſmes un bruit eſpouvantable : & le Fleuve ayant tary en un moment, & les Aſſiegeans eſtant entrez, ce fut un deſordre & une confuſion horrible. Je ne vous la raconteray pourtant pas : car outre que la guerre eſt une choſe dont je n’aime guere à parler, je m’imagine encore que vous y eſtiez : joint qu’en mon particulier je n’en sçay autre choſe ſinon que de ma vie je n’ay rien entendu de plus eſtonnant, que le bruit que faiſoient tant de gens effrayez comme il y en avoit dans les ruës de Babilone. Cependant nous eſtions en une inquietude eſtrange : car encore que la Princeſſe imaginaſt bien que peut eſtre c’eſtoit Artamene qui venoit la delivrer : neantmoins le peril où elle penſoit qu’il eſtoit, luy donnoit beaucoup d’aprehenſion pour luy : car pour le Roy ſon Pere, elle jugeoit bien qu’il ne ſeroit pas en perſonne à une ſemblable occaſion.

Comme nous eſtions donc entre l’eſperance & la crainte, nous viſmes entrer le Roy d’Aſſirie. Le Prince Mazare qui eſtoit adroit, n’ayant point voulu avoir cét employ : & eſtant demeuré dans les Jardins du Palais, avec ceux qui nous devoient ſervir d’eſcorte. Le Roy donc entrant tout furieux. Madame (dit il à la Princeſſe, afin qu’elle ne fiſt point de reſistance) le Peuple de Babilone eſt le plus fort : & comme il vous croit la cauſe de la guerre, il