Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, seconde partie, 1654.djvu/551

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les choſes injuſtes ſans difficulté. Policrite aſſura alors Cleanthe & Megiſto, que quand elle n’auroit rien sçeu de ce qu’ils luy venoient de dire, elle n’auroit jamais rien fait contre la bien-ſeance qu’ils luy avoient enſeignée : en ſuitte de quoy ils la quitterent. Mais Dieux, que leur deſſein reüſſit mal, s’ils vouloient empeſcher Policrite d’aimer Philoxipe ! Elle fut quelque temps à n’avoir dans l’eſprit que la joye de sçavoir qu’elle eſtoit de naiſſance illuſtre : & apres cela voulant ſe ſervir de cette connoiſſance, pour chaſſer de ſon cœur ce commencement d’affection, que le merite de Philoxipe y avoit deſja fait naiſtre ; elle trouva que cette connoiſſance l’y fortiſſoit. Car enfin, diſoit elle, la certitude de ce que je ſuis, ne diminüe point l’obligation que je luy ay : puis qu’il ne sçait pas que je ſois rien au deſſus de ce que je parois éſtre. Mais pour moy qui connois aujour d’huy ce que je ſuis, pourquoy ne puis-je pas eſperer qu’un jour les Dieux permettront que Philoxipe sçachant ma veritable condition, me mette en eſtat de le pouvoir aimer ſans crime, & d’eſtre aimée de luy avec innocence ? Non non Policrite, adjouſtoit elle, ne deſſendons plus ſi opiniaſtrément noſtre cœur : contentons nous de cacher nos ſentimens, & de ne rien faire de criminel : Mais ne rejettons pas auſſi comme un grand mal, l’affection d’un Prince, qui devroit eſtre choiſi par le plus Grand & le plus ſage Roy du monde, quand meſme je ſerois ſa fille. Mais, pourſuivoit elle, peut eſtre que Philoxipe ſe déguiſe : qu’il a des ſentimens criminels pour toy : & que ta ſimplicité t’abuſe. Attends donc, diſoit elle, à te déterminer : & eſprouve ſa confiance & ſa fidelité, par une indifference apparente, qui ne luy laiſſe nul eſpoir.

C’eſtoit en cét eſtat qu’eſtoient