Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/130

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quel eſt cet ennemy caché, qui a fait un crime d’une choſe dont je pouvois demander recompenſe, puis que je n’ay veû Pheretime, qu’afin de venir pluſtost revoir Teleſile ? Je luy contay alors ſincerement comme la choſe s’eſtoit paſſée : je la ſupliay en ſuitte de me dire qui luy avoit apris cette fauſſe nouvelle : & apres avoir bien prié, preſſé, conjuré, & importuné Teleſile ; elle me nomma la perſonne qui luy avoit dit la choſe, qui eſtoit une Amie particuliere d’Androclide. Cependant comme mon cœur eſtoit fidelle, & que toutes mes paroles eſtoient veritables, je fis ma paix avec Teleſile, à laquelle il ne demeura plus nul ſoubçon de ma confiance. Elle avoit touteſfois un ſecret dépit contre elle meſme, de m’avoir donné quelques legeres marques de jalouſie : ce qui fut cauſe qu’il me falut quelque temps, auparavant que de retrouver dans ſon ame la franchiſe & la quietude avec laquelle elle avoit accouſtumé de vivre aveque moy. Mais enfin je me retrouvay heureux ; & je fis meſme comprendre à Diophante, que je ne devois pas eſtre puny de l’obſtacle que mon Pere aportoit à mon deſſein. Je n’avois donc plus rien qui me faſchast ; ſinon qu’il faloit malgré moy, ne viſiter pas ſi ſouvent Teleſile : de peur que mon Pere ne m’exilaſt de nouveau, comme il avoit deſja fait. Mais ſi je ne la voyois pas chez elle, je la rencontrois ailleurs ; & je la voyois tous les jours. le voulus alors diverſes fois obtenir d’elle la permiſſion de l’épouſer ſans le contentement de mon Pere : mais comme elle eſtoit ſage & glorieuſe, elle ne le voulut jamais ; & me dit touſjours qu’elle sçavoit bien que Diophante n’y conſentiroit non plus qu’elle : & qu’ainſi il faloit attendre en repos que le cœur de mon Pere fuſt,