Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/162

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Antigene & moy : & nous arrivaſmes à Ialiſſe, qui eſt la Ville où le Prince Cleobule fait ordinairement ſon ſejour. Je luy donnay le Paquet que je luy aportois de la part de Periandre : je luy rendis conte de l’affaire qui eſtoit entre eux : & je luy preſentay Antigene, qu’il reçeut tres bien, & dont il connoiſſoit le Nom. Mais il ſe trouva que la Princeſſe ſa fille eſtoit aux champs, à deux journées du lieu où nous eſtions, accompagnée de beaucoup de Dames de la Ville, avec intention de s’y divertir quelques jours. Trouvant donc cette occaſion, je m’en voulus ſervir : & faiſant connoiſtre à Cleobule que j’avois une Lettre pour la Princeſſe Eumetis : & que eſtois bien faſché de n’oſer partir d’aupres de luy pour la luy aller porter : il me reſpondit ſelon mon intention, qu’il n’eſtoit pas juſte de priver ſi long temps ſa Fille du plaiſir qu’elle auroit, de recevoir des nouvelles d’une Princeſſe qu’elle honoroit beaucoup : mais qu’auſſi ne ſeroit il pas à propos, me dit il fort civilement, qu’il ſe privaſt du plaiſir qu’il avoit de me voir, en me donnant la permiſſion de l’aller porter moy meſme. Qu’ainſi il donneroit ordre à un des ſiens, de la venir prendre de mes mains afin de la luy rendre : & que par cette meſme voye, il ordonneroit à la Princeſſe ſa fille de revenir ; voulant que je viſſe ſa Cour avec tout ſon ornement : car il eſtoit veuf depuis quelques années. La choſe ſe paſſa donc de cette ſorte : on vint prendre la Lettre que j’avois pour cette Princeſſe : je la donnay, & elle la reçeut par une autre main que la mienne ; obligeant celuy qui la luy rendit, de luy faire sçavoir que l’en uſois ainſi, par le commandement du Prince ſon Pere. Cependant il faut que vous sçachiez, qu’il y avoit une Famille de Corinthe, de gens de la premiere