Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/209

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rſion de ſa fille je l’eſpousasse : mais à la fin il creût ce que je luy fis dire : & je partis ſans dire adieu à perſonne, pour m’en aller où eſtoit Antigene.

Je fis ce voyage, comme vous pouvez penſer, avec une douleur extréme : auſſi toſt que je fus à Thebes, je m’informay du lieu où logeoit Antigene, & je fus l’y chercher : mais on me dit qu’il eſtoit allé dans les Jardins qui ſont au delà du Chaſteau de la Cadmée. M’en eſtant donc fait montrer le chemin, j’y fus, & je le trouvay effectivement avec de fort belles Perſonnes, qui ſe promenoit dans de grandes Allées dont les Paliſſades eſtoient fort eſpaisses. Comme je le connus d’une Allée je paſſay dans une autre, ne voulant pas luy parler devant tant de monde : & arrivant vis à vis de l’endroit où il eſtoit, j’entendis à travers la Paliſſade, que la converſation de ces Dames & de luy, eſtoit fort galante & fort enjoüée : & il me ſembla que pour un homme amoureux à Corinthe, il eſtoit un peu bien guay & bien galant à Thebes. Mais comme je ne l’eſtois pas tant que luy, je ne voulus pas me meſler dans une converſation de perſonnes où je ne connoiſſois que mon Rival : & je m’en retournay l’attendre à ſon logis. Comme il revint fort tard ce ſoir là, il s’en falut peu qu’il ne laſſast ma patience : j’avois pourtant une ſi forte envie de luy donner une mauvaiſe nouvelle, que je l’attendis. Il ne fut pas pluſtost venu, que montant à ſa chambre où ſes gens qui me connoiſſoient m’avoient mis, je m’avançay vers luy avec aſſez de froideur : mais je fus fort ſurpris de voir qu’il s’en vint à moy avec un viſage preſque auſſi ouvert, du temps que nous n’eſtions