Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/210

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pas Rivaux. Philocles, me dit il, eſt à Thebes ! Eh Dieux, eſt il bien poſſible ? Ouy, luy reſpondis-je, & il y eſt ſeulement pour Antigene, & par les ordres de Philiſte. Eſtes vous preſentement aſſez bien enſemble, me dit il, pour vous donner de ſemblables commiſſions ? Vous le verrez par ſa Lettre, luy dis-je en la luy donnant, Antigene rougit en la prenant de ma main : & s’aprochant de la table où il y avoit des flambeaux ; j’avoüe, dit il, que je ne puis comprendre tout cecy : Mais apres avoir leû cette Lettre, ſans une auſſi grande eſmotion que le m’eſtois imaginé qu’il la devoit avoir : Non non, Philocles (me dit il, repaſſant quelques paroles de la Lettre de Philiſte) Antigene ne vous querellera point : & quand vous le voudriez quereller, vous n’en viendriez pas à bout. Je confeſſe que le diſcours d’Antigene me ſurprit : mais apres m’avoir embraſſé, enfin, me dit il, les Dieux m’ont gueri : & quoy que je ne puiſſe l’avoüer ſans quelque honte, il faut pourtant pour voſtre repos que je vous avouë ma foibleſſe : & que je vous die que je ſuis auſſi amoureux à Thebes, que je l’eſtois à Corinthe. Quoy, luy dis-je, Antigene aimé de Philiſte eſt inconſtant, & Philocles haï & meſprisé eſt fidelle ! Cela eſt ainſi, repliqua t’il, ſans que je puiſſe en dire d’autre raiſon, ſinon que ſans doute les Dieux n’ont pas voulu que je fuſſe plus long temps Rival d’un de mes plus chers Amis. Je ne crûs pourtant pas d’abord aux paroles d’Antigene : & le lendemain il me fit voir la Perſonne qu’il aimoit alors, qui en effet eſtoit un miracle de beauté. Je m’en informay encore dans la Ville avec adreſſe : & je sçeus qu’effectivement depuis qu’il eſtoit à Thebes, il en avoit touſjours paru fort amoureux. Nous renoüaſmes