Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

infortuné. Je fus deux jours de ſette ſorte, au bout deſquels la fiévre me prit tres violente. Mais pour mon ſoulagement, je sçeu que la nouvelle de la mort de Leontine eſtoit encore fauſſe : qu’il eſtoit veritablement mort à Chalcis une fille admirablement belle, qui ſe nommoit Leontine : mais qu’elle n’eſtoit que parente de celle de Thebes qui ſe portoit bi ?  : & li’apris ainſi que la ſeule conformité du nom & de la beauté, avoit abuſé ceux qui avoient ſemé la nouvelle de la mort de ma chere Leontine. Polimnis ne sçeut pas pluſtost la choſe, que venant à moy les bras ouverts, courage (me dit il en m’embraſſant & en ſous-riant) il faut recommencer de haïr Leontine, puis qu’elle n’eſt pas morte : & alors il me conta le cauſe cette erreur ; ce qui me donna une ſi grande émotion, que paſſant en un moment de la douleur à la joye, la fiévre m’en redoubla, & je penſay mourir la nuit ſuivante. Touteſfois les Dieux qui n’eſtoient pas encore las de me perſecuter, me redonnerent la ſanté : & ramenerent Leontine à Thebes où je retournay auſſi. J’euſſe bien voulu recommencer de la haïr, mais il me fut impoſſible : quoy, diſois-je quelqueſfois, pourquoy faut il qu’une fauſſe nouvelle qui n’a rien changé dans le cœur de Leontine, ait ſi fort changé le mien ? & pourquoy la haïſſois-je il y a quelque temps, ou pourquoy ne la sçaurois-je plus haïr ? Cependant il falut ceder malgré moy, à cette paſſion reſſuscitée, qui s’eſtoit renduë Maiſtresse de mon eſprit : j’en avois quelqueſfois de la honte, & j’en avois auſſi quelqueſfois de la joye : me ſemblant qu’eſtre au monde ſans aimer Leontine, eſtoit la plus injuſte choſe de la Terre.

Cependant comme elle avoit sçeu par Polimnis que mon mal avoit eſté cauſé pour l’