pour luy dire adieu ; & ayant remarqué qu’elle oublioit ce Portrait ſur la Table de ſa Chambre, quoy qu’elle en ſortist pour aller chez la Princeſſe Herſilée : il me commanda d’y aller, & de le luy dérober, ce que je fis : car en ce temps là nous eſtions fort mal Alcidamie & moy, & je ne me ſouciois pas que Polycrate l’aimaſt. Quoy Theanor, luy dis-je, vous eſtes le voleur du Portrait d’Alcidamie, & vous m’aſſurez qu’elle avoit promis de le donner à Polycrate ? Ouy, me repliqua t’il : mais, luy dis-je encore, ce ne fut point Polycrate qui le perdit, le ſoir que je le trouvay : car il y avoit deſja longtemps que ce Prince s’eſtoit retiré, quand cette avanture m’arriva. Theanor fut alors aſſez embarraſſé à me reſpondre : touteſfois apres y avoir un peu ſongé ; non non, me dit il, ne vous y trompez pas : le Prince Polycrate eſt accouſtumé quelqueſfois quand il eſt nuit, & qu’il veut avoir quelque converſation particuliere avec quelqu’un, pour quelque intelligence de galanterie, de retourner peu accompagné à cette promenade : & ce fut infailliblement luy que vous ne connuſtes pas, qui laiſſa tomber ce Portrait ce ſoir là. Mais, luy dis-je, il me ſouvient que je vous trouvay ſi melancolique le lendemain au matin, qu’aviez vous donc dans l’eſprit ? le deſplaisir, repliqua t’il, de voir que l’abſence n’avoit point changé le cœur de Polycrate : car dés l’inſtant qu’il fut deſcendu de ſa Galere ; il envoya sçavoir des nouvelles d’Alcidamie. Et que vous importoit cela, adjouſtai-je, puis que vous ne l’aimiez plus ; & pourquoy vous en affliger ſi elle vous eſtoit indifferente ? Je vous ay dit qu’elle me l’eſtoit quand je m’embarquay la premiere fois, me reſpondit il, mais je ne vous ay pas dit qu’elle me le fuſt
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