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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/300

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l’amour, qui naiſt malgré nous dans noſtre cœur ; qui s’y augmente de la meſme ſorte ; & qui nous deſtruit enfin, ſans que nous y puiſſions que faire. Puis que c’eſt un mal incurable, dit elle, & il ne faut penſer qu’à le cacher ſi bien, que perſonne ne s’en aperçoive. Je voudrois le pouvoir faire, luy dis-je, mais le moyen de vous voir eternellement environnée de perſonnes qui vous ſont agreables, ſans en teſmoigner du chagrin ? Quoy, dit elle : vous voudriez que je ne viſſe jamais que des perſonnes incommodes ! Que je fuſſe toujours en des lieux faſcheux & peu divertiſſans ; que je haïſſe la Muſique ; que je n’aimaſſe point la promenade ; que la converſation me dépleuſt ; & que je paſſasse enfin toute ma vie en ſolitude ! Je n’en ſouhaitterois pas tant, luy dis-je, mais je vous avoüe que je voudrois bien, s’il eſtoit poſſible, que le Prince Polycrate, Theanor, Timeſias, & meſme Hiparche, ne fuſſent pas ſi bien aveques vous que Leontidas. Alcidamie rougit à ce diſcours : & apres avoir eſté quelque temps ſans parler, elle commença de me dire, qu’elle trouvoit qu’il eſtoit à propos de me faire voir quel rang toutes ces Perſonnes là tenoient dans ſon cœur : & alors elle me dit qu’elle eſtimoit Polycrate comme un Grand Prince, qui de plus aimoit paſſionnément Meneclide ſon Amie. Que pour Theanor, elle n’avoit pour luy ni haine ni amitié : que pour Timeſias, elle avoit plus de diſposition à le haïr qu’à l’aimer : & que pour Hiparche, elle aimeroit touſjours ſa converſation, & n’aimeroit jamais ſa perſonne. Quand j’entendis parler Alcidamie de cette ſorte, j’en fus tranſporté de joye, & je voulus l’en remercier : mais elle m’en empeſchant, non non,