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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/302

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dis encore une fois, je ne vous eſpouseray jamais. Entendant parler Alcidamie de cette ſorte, je voulus luy proteſter que je ne ſerois plus jaloux mais en luy parlant ainſi, j’avoüe que malgré moy je voulois encore avoir certaines precautions qui faiſoient aiſément connoiſtre, que je n’eſtois pas encore en eſtat d’eſtre abſolument gueri du mal qui me tourmentoit. Cependant je ne pûs faire changer de reſolution à Alcidamie : & depuis cela, je n’en pûs tirer autre choſe. Je voulus durant quelques ours faire effort ſur moy meſme, pour ne paroiſtre point jaloux : je faiſois ſemblant d’eſtre gay, autant que je le pouvois : je parlois à Theanor, je ſalüois Timeſias plus civilement qu’à l’ordinaire ; je voulus meſme railler une fois ou deux avec Hiparche : mais à vous parler ſincerement, ce fut d’une maniere qui fit effectivement plus rire Alcidamie, que ſi j’euſſe dit de fort plaiſantes choſes. Cela me mit tellement en colere, que je luy en fis des reproches tout bas : que voulez vous que j’y face ? me reſpondit elle, vous eſtes ſi mal déguiſé, qu’il n’eſt pas poſſible que je n’en rie. Cette façon d’agir m’offença extrémement : neantmoins elle vivoit touſjours ſelon ſa couſtume ; c’eſt à dire qu’elle eſtoit douce, civile, & complaiſante pour tout le monde : & je veſcus auſſi comme j’avois accouſtumé, l’eſprit fort inquiet, & tres malheureux.

Ne sçachant donc plus que faire, & sçachant bien qu’effectivement Alcidamie avoit pris la reſolution qu’elle m’avoit ditte, je fus conſulter le Philoſophe Xanthus, que je connoiſſois fort : & le conjurer de me dire, par quelle voye on pouvoit ceſſer d’eſtre jaloux. Que sçachant à quel point il connoiſſoit toutes choſes, je me doutois pas qu’il ne peuſt m’enſeigner