Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/319

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raport ſi juſte des choſes que Chriſante luy avoit dittes pour juſtifier ſon Maiſtre le jour qu’il fut delivré, à celles que je luy diſoit cét Envoyé, en eut beaucoup de joye : de ſorte que le traitant fort civilement, il luy dit qu’il auroit ſa reſponce le lendemain : ne voulant pas la luy rendre à l’heure meſme, parce qu’il vouloit faire la grace à Cyrus de luy demander ſon advis. Apres donc que cét Envoyé ſe fut retiré, & qu’ils furent en liberté de parler, Ciaxare ſe fit encore redire preciſément par Cyrus, ce qu’il avoit promis au Roy d’Aſſirie ſur le haut de la Tour de Sinope, lors que le prince Mazare enlevoit la Princeſſe Mandane : ſi bien que comme Cyrus n’eſtoit plus en eſtat de luy rien déguiſer, il luy dit ingenûment, qu’il luy avoit engagé ſa parole, que quand la Fortune luy ſeroit aſſez favorable pour luy faire delivrer la Princeſſe, & pour vaincre tous les obſtacles qui pourroient s’oppoſer à ſon bonheur ; il ne l’eſpouseroit jamais, ſans s’eſtre batu contre luy. Mais pourquoy, luy dit Ciaxare, luy fiſtes vous cette injuſte promeſſe ? Ce fut Seigneur, repliqua t’il, parce que le Roy d’Aſſirie ayant eu l’injuſtice de me demander que je le remiſe en liberté : & moy ayant eu la fidelité pour vous de ne le vouloir pas faire : je creus que ce Prince pourroit me ſoubçonner de ne le retenir que pour mon intereſt particulier : & comme eſtant bien aiſe de m’eſpargner la peine de vaincre un ennemi redoutable. De ſorte que pour luy faire voir que je ne le retenois pas par un ſentiment ſi laſche, je luy promis d’en uſer ainſi : auſſi bien Seigneur, à vous parler ſincerement, quand je ne la luy aurois pas promis, je ne lairrois pas de le faire : & il ne ſeroit pas aiſé que je peuſſe vivre heureux, que je