Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/321

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n’eſtoit point obligé à diviſer ſes forces pour luy faire teſte, & pour aller en Armenie. Il conſideroit meſme encore, que quand le malheur voudroit que Cyrus ſe batiſt contre ce Prince, & en fuſt vaincu, il ne ſeroit pas forcé pour cela, de luy donner la Princeſſe ſa fille : Cyrus ne s’eſtant engagé qu’à ce qui dépendoit de luy, & non pas à la luy faire eſpouser.

Cependant toutes choſes eſtant preſtes pour partir, Cyrus demanda la permiſſion de commander l’Avant-garde : & demanda de plus qu’une partie des Troupes de Perſe le ſuivissent. Comme Ciaxare ne luy pouvoit plus rien refuſer, il obtint tout ce qu’il voulut : & il fut reſolu qu’il partiroit avec vingt mille hommes ſeulement : que tous les Volontaires le ſuivroient : que le Roy marcheroit auſſi bien toſt avec le Corps de la Bataille : & que l’Arriere-garde ſeroit commandée par le Roy d’Hircanie : le Roy de Phrigie demeurant auſſi avec Ciaxare. Jamais il ne s’eſt veû une plus grande joye, que celle des Troupes qui furent choiſies pour cette Avant-garde, ny une plus ſensible douleur, que celle que reçeurent les Chefs & les Soldats qui ne furent point commandez : & l’on euſt dit qu’ils apprehendoient que Cyrus ne vainquiſt ſans eux, & qu’ils ne trouvaſſent plus rien à faire quand ils le joindroient. Or pendant que tout ſe preparoit à partir, cet illuſtre Heros s’eſtant ſouvenu qu’il avoit promis aux Habitans de Sinope de faire rebaſtir leur Ville ; il ſupplia Ciaxare de vouloir qu’il s’aquitaſt de ſa parole : & de ſouffrir qu’il employaſt à cela une partie de ſes bienfaits. Mais Ciaxare voulut que ce fuſt des deniers publics, que cette Ville fuſt rebaſtie : & ordonna à Ariobante, qui demeura en Capadoce pour y tenir toutes choſes en devoir,