Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/343

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impatience d’entretenir la princeſſe de Pont : s’imaginant que peut-eſtre pourroit elle sçavoir où eſtoit le Roy ſon Frere : & par conſequent où eſtoit auſſi la Princeſſe Mandene. S’eſtant donc un peu repoſé, & s’eſtant mis en eſtat de paroiſtre avec bien-ſeance devant elle, il luy fit demander s’il pourroit avoir l’honneur de la voir : comme elle ne le deſiroit pas moins qu’il le ſouhaitoit, quoy que ce fuſt par des raiſons diſſe rentes, elle luy fit dire qu’elle recevroit ſa viſite fort agreablement. De ſorte qu’allant la trouver à l’heure meſme, il en fut reçeu en effet avec toute la civilité poſſible : & il luy rendit auſſi toute la ſoumission & tout le reſpect qu’il luy euſt pû rendre, quand elle euſt encore eſté dans Heraclée, Apres les premiers complimens paſſez, Seigneur, luy dit elle, ſi la Fortune euſt eſté auſſi favorable au Roy mon Frere, que vous le luy fuſtes en le faiſant delivrer, il n’euſt pas perdu comme il a fait : les Royaumes qu’on luy a veû poſſeder. Je ne sçay Madame, repliqua Cyrus, ſe le Roy de Pont n’a point plus gagné en perdant ſes Royaumes, qu’il n’euſt pû faire en les conſervant : mais du moins sçay-je bien que je prefere ce que la Fortune luy a donné, apres les avoir perdus, à tout ce qu’elle luy avoit oſté auparavant : & pleuſt aux Dieux qu’il vouluſt remonter au Throſne qui luy appartient, en rendant ce qui ne luy appartient du tout. Ce diſcours eſt ſe obſcur pour moy, dit la Princeſſe de Pont, que je n’y puis reſpondre à propos : car enfin je sçay bien que le Roy mon frere a perdu le Royaume de Pont. & celuy de Bithinie ; qu’il a eſté contraint a de partir de la derniere Ville qui luy reſtoit, & de s’enfuir dans un Vaiſſeau pour aller mettre ſa perſonne en ſeureté aupres