Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/350

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Seigneur, il faut que je paſſe cét en droit legerement : car comme je ſuis originaire de Bithinie, il ſeroit difficile que l’amour de ma Patrie ne me fiſt dire plus que je ne dois : veû le reſpect que je ſuis obligée de rendre aux Rois dont la Princeſſe que je ſers eſt deſcenduë. Je ne puis touteſfois vous faire un ſecret, d’un crime qui a eſté sçeu de pluſieurs Royaumes, puis que c’eſt le fondement de tout ce que j’ay à vous dire : vous sçaurez donc en peu de mots, que le Roy de Pont ayant prié celuy de Bithinie qu’il peuſt conferer aveques luy, de quelque affaire importante, qu’il diſoit qui les regardoit l’un & l’autre : ce Prince luy ayant accordé la choſe, ces deux Rois ſe trouverent ſur leurs Frontieres. Et comme la Riviere de Sangar les borne également, ils choiſirent une Iſle tres agreable, & où il y a une aſſez belle Maiſon pour leur entre-veuë : qui ſe fit avec toute la magnificence poſſible. Neantmoins comme l’Iſle apartenoit pourtant au Roy de Pont, ce fut luy qui fit la deſpence des feſtins qui furent faits durant trois jours, avec toute la magnificence, & toute la ſplendeur imaginable. Mais le dernier des trois, le Roy de Bithinie fut pris d’un mal ſi violent, qu’il fut abandonné des Medecins dés le ſecond jour : eſtant impoſſible de le tranſporter hors de cette Iſle, où le Roy de Pont demeura touſjours aupres de luy : donnant de ſe grandes marques de douleur, que tout le monde en fut trompé, & le Roy de Bithinie plus que tous les autres. Ce Prince donc, qui n’avoit qu’un fils âgé de ſix ans, & qui avoit perdu la Reine ſa Femme il y en avoit deſja deux : ſe voyant en cet te extremité, creut que pour empeſcher le Roy de Pont, dont il connoiſſoit fort bien l’humeur ambitieuſe, d’uſurper