Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/380

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de ne vous y abandonner pas ſi fort. Ha ma chere Sœur, luy dit il, que voſtre inſensibilité pour le Prince Sinneſis, vous eſt une choſe avantageuſe ! & qu’il eſt bien plus aiſé de ſouffrir qu’Arſamone vous oſte une Couronne, qu’il ne m’eſt facile d’endurer qu’il m’oſte la Princeſſe Araminte ! Ce n’eſt pas, adjouſta t’il, que je ſois né ſans ambition : mais c’eſt que l’amour eſt encore plus forte dans mon ame : & qu’il m’eſt bien plus aiſé de laiſſer vivre en paix les Uſurpateurs du Royaume de Bithinie, que de vivre ſans la Princeſſe que j’aime. Il y a d’autres Couronnes en l’Univers, reprenoit il, que la Fortune & mon Eſpée me peuvent donner : mais il n’y a qu’une ſeule Princeſſe Araminte au monde. Ouy ma chere Sœur, elle eſt ſeule en toute la Terre que je puis adorer : ſans elle toutes choſes me ſont in differentes ; & je ne fais nulle diſtinction entre l’Eſclavage & la Royauté. Cependant ſelon ce que je puis juger des ordres du Prince Arſamone, il pretend ſans doute que je garde dans mon cœur le deſſein de poignarder le Roy de Pont, qui eſt Pere d’Araminte : de tuer les Princes ſes Freres ; & de l’accabler elle meſme ſous les ruines de ſa Maiſon, ſi l’occaſion s’en preſente. Ha non non, je ne veux point remonter au Throſne par une ſi ſanglante voye : je sçay bien que l’Ayeul d’Araminte eſtoit un Uſurpateur : je sçay bien encore que le Roy ſon Pere poſſede un Royaume qui me devoit apartenir : mais je sçay de plus que puis qu’Araminte a uſurpé l’Empire de mon cœur, elle a rendu legitime à ceux de ſa Maiſon, la poſſession du Royaume de Bithinie. Je n’y pretens plus rien ma Sœur : puis que je ne le pourrois ſans perdre ma Princeſſe, qui ne me regarderoit ſans doute qu’avec horreur, ſi