Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/433

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Spitridate. Et il le ſoubçonna d’autant pluſtost, qu’il avoit appris ce jour là par des gens de Bithinie qui eſtoient venus à Heraclée, que ce Prince eſtoit eſchapé de la priſon où Arſamone le tenoit : de ſorte que ce ſoubçon ne fut pas pluſtost dans ſon cœur, que ſa curioſité redoubla. Il ſuivit donc Spitridate, comme je l’ay dit, non ſeulement juſques à la porte du Jardin, mais meſme dans les Ruës, & juſques à la Maiſon où il logeoit : ce qui acheva de le confirmer dans ſon opinion, car il sçavoit bi ? que ceux qui l’habitoient eſtoient des gens en qui Spitridate ſe pouvoit fier. Je vous laiſſe à juger, combien cette veuë affligea Artane : neantmoins apres y avoir bien penſé, il ne fut pas marry de cette rencontre : & il prit la reſolution pour obliger le Roy, & pour ſe deffaire d’un Rival, d’aller luy dire qu’aſſurément Spitridate tramoit quelque nouvelle conjuration contre l’Eſtat : car il ne voulut pas engager la Princeſſe, de peur de l’irriter trop : & il fit ſemblant de croire qu’elle n’y avoit nul intereſt, sçachant bien que celuy de l’Eſtat ſuffiroit. Il eſtoit pourtant tres faſché que Pharnace ne partageaſt pas la douleur qu’il avoit, d’avoir apris que Spitridate eſtoit aſſez bien avec la Princeſſe, pour ſouffrir qu’il fuſt déguiſé dans Heraclée pour l’amour d’elle : ſi bien qu’il prit la reſolution de luy faire sçavoir la choſe indirectement, & de n’aprendre au Roy que ce qui pouvoit le regarder en particulier. Artane fut donc ſalüer ce Prince, qu’il n’avoit point encore veû : & le priant tout bas qu’il luy peuſt parler en ſecret d’une affaire tres importante, & qui preſſoit extrémement : le Roy ſortit de la Chambre de la Princeſſe où il n’avoit preſques point tardé : & le prenant par la