Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/516

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du monde, tant que vous ſerez ce que vous eſtes. Jugez apres cela, ſi Spitridate en peut deſirer davantage : & ſi la Princeſſe Araminte peut faire plus pour le fils d’Arſamone. Cependant, Spitridate, prenez garde que l’ambition ne change voſtre ame durant l’abſence : elle, dis-je, qui a accouſtumé de changer celle de tous les hommes. Pour vous en aſſurer, reprit il, ne me banniſſez point : Je voudrois le pouvoir faire, reſpondit elle, mais cela ne ſe peut pas : & il faut abſolument que vous partiez. Enfin, Seigneur, je ſerois trop longue, ſi je voulois vous redire toute cette triſte converſation ; qui en verité devint ſi tendre & ſi genereuſe de tous les deux coſtez, que j’en pleuray en l’entendant : car je fus touſjours preſente à cét entretien, la Princeſſe l’ayant ainſi voulu. Ce fut en vain que Spitridate fit encore quelques efforts, pour demeurer aupres d’elle : puiſque dés que nous fuſmes un peu avant en Armenie, où elle ne pouvoit plus craindre Arſamone, elle voulut qu’il la quittaſt : & elle le fit reſoudre à s’en aller ou en Cilicie, ou en Paphlagonie, attendre quelque changement en leurs fortunes. Il vouloit differer à partir, qu’elle sçeuſt preciſément où eſtoit le Roy ſon Frere, & qu’elle fuſt à Artaxate, d’où nous eſtions encore aſſez loin, mais elle ne le voulut pas ; craignant eſtrangement que Spitridate ne tombaſt entre les mains du Roy ſon Frere, en l’eſtat qu’eſtoient les choſes. Ainſi il falut qu’il luy obeïſt : mais, Seigneur, il ne ſera jamais rien de plus triſte, que cette ſeparation. Il voulut que Democlide, qui le vouloit ſuivre demeuraſt avec la Princeſſe, auſſi bien que ces deux Capitaines qui eſtoient aveques nous : & il ne mena que ſon Eſcuyer. Je