Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/517

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ne vous diray point toutes les particularitez de cét adieu : car en verité je ne le pourrois pas ſans reſpandre encore des larmes, & ſans vous donner des marques de foibleſſe, que vous condamneriez peut-eſtre. Tant y a, Seigneur, que Spitridate partit le plus afflige de tous les hommes : & que la Princeſſe demeura la plus melancolique perſonne du monde. Cependant il falut continuer noſtre voyage ; quitter l’Euphrate ; prendre un Chariot ; & nous aprocher d’Artaxate. Comme la Princeſſe ne sçavoit pas les intentions du Roy ſon Frere, elle ne voulut pas eſtre connuë pour ce qu’elle eſtoit, juſques à ce qu’elle l’euſt veû : ſi bien que nous marchions ſans luy rendre les honneurs qu’on luy devoit. Comme nous fuſmes arrivez à Artaxate, où l’on ſe peut cacher aiſément à cauſe de ſa grandeur, nous nous informaſmes s’il n’eſtoit pas vray que le Roy de Pont y fuſt arrivé : mais tous ceux à qui nous en parlaſmes, nous dirent touſjours qu’il n’y eſtoit pas. La Princeſſe qui ne pouvoit ſe l’imaginer, creût d’abord que peut-eſtre n’y avoit il que les gens d’une plus haute condition qui sçeuſſent la choſe : & que pour des raiſons qu’elle ne comprenoit pas, le Roy ſon Frere n’auroit pas voulu eſtre reçeu avec ceremonie. Enfin elle ordonna tant de fois à Democlide, & à ces deux Capitaines qui eſtoient aveques nous, de s’informer de ce qu’elle vouloit sçavoir : qu’ils devinrent ſuspects de quelque deſſein cachée, à ceux à qui ils s’adreſſerent. De plus, le Prince Phraarte, Frere de l’illuſtre Tigrane, & ſecond fils du Roy d’Armenie, ayant veû fortuitement la Princeſſe Araminte entrer dans un petit Temple eſcarté, où nous allions de fort grand matin, la trouva ſi