Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/519

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Frere n’eſtoit point venu en cette Cour. Il fit mille civilitez à la Princeſſe : en ſuitte de quoy il fut en diligence retrouver le Roy ſon Pere : avec intention de l’obliger à la bien traiter, & à la recevoir ſelon ſa qualité. Mais ce Prince qui eſt ſoubçonneux, & un peu avare, prit une reſolution differente de celle du Prince ſon Fils : car il ne voulut point la reconnoiſtre, de peur d’eſtre obligé de faire de la deſpense : & de peur auſſi d’irriter un Prince heureux, comme l’eſt preſentement Arſamone, en donnant un Azile à la Sœur de ſon Ennemy. Ainſi malgré les alliances que les Rois de Pont avoient touſjours euës avec les Rois d’Armenie, il fit ſemblant de croire que c’eſtoit une ſupposition : & commanda que l’on s’aſſurast de la Princeſſe, & de tous ceux qui l’accompagnoient : car je l’ay sçeu depuis par un Confident de Phraarte. Ce jeune Prince s’oppoſa autant qu’il pût au deſſein du Roy ſon Pere : qui ne voulant pas que la choſe éclataſt, luy deffendit de rien dire de ce que la Princeſſe luy avoit dit : voulant ſans doute la garder pour s’en ſervir ſelon les occurrences : ſoit en la rendant au Roy de Pont, ſoit en la remettant entre les mains d’Arſamone. Phraarte deſesperé de cette reſolution, fit du moins en ſorte que l’on nous mit dans ce Chaſteau : où nous fuſmes conduites avec ces deux Capitaines, qui ſont encore icy : car pour Democlide, la Princeſſe le conjura de vouloir aller chercher des nouvelles du Roy ſon Frere : de ſorte que lors que l’on nous vint prendre il ſe cacha, & ne pût eſtre pris comme nous. Vous pouvez juger quelle douleur eut la Princeſſe, de voir que ſon Azile devenoit ſa priſon : & de ne pouvoir eſperer d’en ſortir, que par une aſſistance