Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/520

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des Dieux toute extraordinaire. Depuis cela. Seigneur, nous avons touſjours eſté en ce meſme lieu, ſans autre conſolation que celle du Prince Phraarte, qui a viſité tres ſouvent la Princeſſe : bien eſt il vray que lors que vous avez pris ce Chaſteau, ſes frequentes viſites commençoient de l’affliger, & de me donner de l’inquietude. Car malgré les ordres du Roy, qui ne la vouloit pas reconnoiſtre pour ce qu’elle eſt, on la traitoit avec un reſpect ſi grand, qu’il eſtoit aiſé de s’apercevoir de la cauſe qui le faiſoit deſobeïr au Roy ſon Pere : & que l’amour commençoit d’eſtre un peu trop forte en ſon ame. Cependant nous n’avons eu aucunes nouvelles ny du Roy du Pont, ny de Spitridate, ny de Democlide : & nous n’avons pas meſmes oüy parler du Roy de Bithinie. Voila, Seigneur, quelle eſt la fortune de la Princeſſe Araminte, que nous irons trouver quand il vous plaira dans ſon Cabinet ; n’ayant plus rien à vous dire, ny rien à faire, qu’à vous conjurer de la vouloir proteger.

Il n’eſt pas beſoin, repliqua Cyrus, ſage & diſcrette Heſionide, que vous me priyez d’une choſe, que tant de raiſons m’obligent de faire : la beauté ; la vertu ; la condition ; & les malheurs de cette Princeſſe y pourroient forcer les plus inſensibles : c’eſt pourquoy allons, puis que vous le trouvez à propos, l’aſſurer qu’elle n’a pas plus d’infortune, que j’ay de deſir de la ſervir. Car encore qu’elle ſoit Sœur d’un Prince qui eſt mon Rival ; & qui tient en ſa puiſſance tout ce qui m’eſt le plus cher au monde : je ſeray auſſi equitable qu’elle : qui ſans accuſer le Prince Spitridate de l’ambition du Roy ſon Pere, sçait faire un juſte diſcernement de toutes choſes ſans preoccupation. En ſuitte de