Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/566

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aller quand il mourroit. Or ces gens avoient pris garde que le Peuple de Milet m’aimoit extrémement : & que veû les inclinations que l’on remarquoit en moy, mon regne ſeroit aſſez doux & aſſez heureux de ſorte qu’il ſeroit aſſez difficile de porter ce peuple à ſecoüer le joug de l’obeïſſance. Mais au contraire, prevoyant preſque avec certitude, que ſi Alexideſme regnoit, ce ſeroit le plus cruel, le plus violent, & le plus tirannique Prince du monde : ils creurent qu’il ſeroit alors aiſé d’obliger le Peuple à ſe revolter, & à ſe deffaire d’un Maiſtre foible & méchant tout enſemble. Ainſi dans l’eſperance de pouvoir deſtruire par cette voye la Puiſſance Souveraine, ils promirent à Melaſie & à Philodice, que quand il en ſeroit temps, ils feroient regner Alexideſme. Si bien que ces deux Femmes qui ne sçavoient pas par quel mouvement ils agiſſorent : furent ravies, de voir que leur deſſein ſembloit reüſſir comme elles le ſouhaitoient. De ſorte que ſans plus differer le Mariage de Leonce & d’Alexideſme, on fit une celebre Feſte dans Milet, où le Prince de Phocée faiſant ſemblant d’oublier la mort : de ſon Fils ſe trouva : & durant un mois, ce ne furent que divertiſſement & reſjouïſſances publiques, pour tous ceux qui n’eſtoient pas de cette faction cachée. On trouvoit pourtant eſtrange, que le Prince mon Pere euſt ſongé à marier Alexideſme devant moy, puis que ce ne devoit pas eſtre de luy qu’il devoit attendre un Succeſſeur : mais comme on n’eſtoit pas accouſtumé de murmurer de ce qu’il faiſoit, toute la Ville paroiſſoit eſtre en joye. Pour moy qui prevoyois bien où les choſes pouvoient aller, j’en conſultois avec le ſage Thales, qui me diſoit touſjours que ce que les Dieux avoient ordonné, ne pouvoit