Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/567

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manquer d’arriver : & qu’ainſi il faloit s’abandonner à leur Providence.

Comme les affaires eſtoient en ces termes, & que le Prince mon Pere croyoit eſtre le plus heureux du monde : Periandre Roy de Corinthe qui ne trouvoit pas en ce temps là une obeïſſance fort exacte parmi ſes Sujets, luy envoya demander ce qu’il faloit que fiſt : un Roy mal obeï, pour eſtre paiſible dans ſes Eſtats. Le Prince mon Pere qui eſtoit naturellement ſoubçonneux, & de qui une des principales maximes eſtoit, qu’il faloit touſjours ne confier ſon ſecret qu’au moins de gens qu’il eſtoit poſſible, & ne donner jamais rien au hazard : au lieu d’eſcrire à Periandre, ou de faire ſa reſponse à ſon Envoyé, il le mena promener dans une grande Plaine. Et là, mettant pied à terre, & marchant dans cette Campagne toute couverte de bleds preſts à moiſſonner (car c’eſtoit à la Saiſon de la recolte) il luy dit, vous raporterez au Roy voſtre Maiſtre, ce que vous me verrez faire dans cette Plaine : & vous luy direz, que je n’ay point d’autre reſponse à luy donner. Cét Envoyé qui n’avoit pas sçeu ce que contenoit la Lettre qu’il avoit aportée, ſe mit donc à obſerver ſoigneusement ce que faiſoit ce Prince : qui en ſe promenant le long de ces bleds, comme ſi ç’euſt eſté en reſvant, rompoit tous les Eſpics qui s’eſlevoient au deſſus des autres : & ne rompoit point ceux qui par leur peſanteur ſe panchoient vers la Terre. Mais quoy que cét Envoyé peuſt raiſonner ſur cette action, il n’y comprit rien : & il ſe reſolut ſeulement de la dire au Roy ſon Maiſtre celle qu’il l’avoit veuë. Neantmoins comme cela luy ſembla bizarre, & meſme de peu de conſequence : apres que le Prince mon Pere fut rentré dans la Ville, & que cét Envoyé fut allé à ſon