Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/579

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Polycrate, & ſur lequel auſſi j’avois eu l’honneur de vous voir. Euphranor ayant donc envoyé s’informer qui j’eſtois : quelques Mariniers de Gnide qui reconnurent mon Vaiſſeau, luy dirent que c’eſtoit celuy de ce fameux Pirate qui couroit la Mer depuis quelque temps ; qui ne prenoit ny argent ny marchandiſe, & qui ne vouloit que des hommes & des Navires : l’aſſurant qu’ils me connoiſſoient bien, & qu’ils m’avoient une fois veû attaquer un Vaiſſeau, pendant quoy ils s’eſtoient ſauvez. Mais en meſme temps ayant sçeu par d’autres qui venoient de me voir, que je n’avois pas trop la mine d’un Pirate, & que mon Navire eſtoit ſi fracaſſé, que je ne ſerois de longtemps en eſtat de pouvoir partir de Gnide : il envoya ordre, & par curioſité, & pour la ſeureté de la Fortereſſe, de me conduire vers luy. Comme je sçavois que c’eſtoit la couſtume des lieux où il y a des Places de guerre d’en uſer ainſi, & que de plus je ne voulois pas me faire connoiſtre pour ce que j’eſtois, j’obeïs ſans murmurer : & ſans eſtre ſuivi que d’un homme de qualit ? de Milet, nommé Leoſthene, qui ne m’avoir point abandonné, & de trois ou quatre de mes gens ; je fus trouver Euphranor qui me reçeut dans une grande Galerie, où diverſes perſonnes ſe promenoient aveques luy. Il me parla avec beaucoup d’adreſſe & de civilité : il s’informa qui j’eſtois ; d’où je venois ; où j’avois deſſein d’aller ? Et il me fit enfin pluſieurs queſtions, pour taſcher de deſcouvrir la verité de ce qu’il vouloit sçavoir. Je reſpondis pourtant à toutes ces choſes, ſans le ſatisfaire entierement : car je luy dis que mon. Nom, quand je le luy dirois, ne luy ſeroit pas connu. Que je venois du Pont Euxin, où une