Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/607

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en ma faveur qu’il avoit raffermy l’authorité d’Alexideſme : & puny preſques tous ceux qui avoient voulu ſe ſous-lever, ou qui avoient ſimplement teſmoigné quelque zele pour mon Party. Si bien que deſesperé de ma mauvaiſe fortune, je fus contraint de me retirer : & d’aller errant ſur toutes nos Mers, ſans sçavoir preciſément ce que je voulois faire. J’envoyay pourtant encore une fois ſecretement à Gnide, m’informer de ce qu’Euphranor auroit dit à ſon retour, de mon départ bizarre & inopinée : car comme il y avoit pluſieurs Dames avec Alcionide lors que je l’avois quittée avec tant de precipitation, je m’imaginois bien que la choſe ſeroit sçeue. Et en effet j’appris qu’Euphranor avoit eſté fort en peine d’en deviner la cauſe : & que les choſes n’eſtoient pas en eſtat que je puſſe retourner à Gnide. Joint que n’ayant preſques plus d’eſperance de voir jamais changer de face à ma miſerable fortune, je ne jugeois pas que je puſſe rien gagner, ny ſur l’eſprit d’Alcionide, ny ſur celuy de ſon Pere. j’eſtois meſme ſi abandonné à ma douleur, que paſſant devant Leſbos je n’y voulus pas aborder : me contentant d’envoyer ſimplement demander des nouvelles de la ſanté du Prince Tiſandre, que je sçeus qui ſe portoit bien : & de luy eſcrire une Lettre, que mes gens laiſſerent aux premiers Mariniers qu’ils trouverent ſur je Port, n’ayant pas voulu qu’ils parlaſſent à luy, de peur qu’il ne me vinſt voir. Je luy diſois en general dans cette Lettre, ſans luy nommer Alcionide, que je luy demandois pardon, d’avoir autrefois condamné la paſſion qui le poſſedoit : & que je luy aprenois que j’en eſtois preſentement incomparablement plus tourmenté