Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/608

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que luy. Apres cela je paſſay outre, juſques bien avant dans l’Heleſpont : en ſuitte je revins, & je fus à Delphes, avec intention d’y conſulter l’Oracle : mais quand j’y fus arrivé, je ne pûs jamais m’y reſoudre : tant j’avois de crainte de trouver ce que je ne cherchois pas. Cependant j’y tombay malade : & avec tant de violence, que je ne pûs eſtre en eſtat de partir de là de plus de quatre mois. Mais enfin quand il pleut aux Dieux je gueris : je dis quand il pleut aux Dieux, parce qu’il eſt certain que je ceſſay d’eſtre malade, ſans leur avoir demandé la ſanté : trouvant trop peu de bien en la vie, pour regarder la mort comme un mal. Auſſi toſt apres je me rembarquay : & voulant du moins paſſer aupres de Gnide, ſi je n’y abordois pas, je pris cette route là. Le vent me fut pourtant ſi contraire, que je fus forcé de laiſſer Chio à la main droite, au lieu que j’avois eu deſſein de paſſer entre cette Iſle & l’Iſthme de Gnide : & emporté parles vents, je fus contraint de paſſer outre : & de croiſer malgré moy quatre Vaiſſeaux qui ſe trouverent ſur ma route. Comme tout le monde m’eſtoit devenu Ennemy, & que j’eſtois acouſtumé à faire mettre du moins le Pavillon bas, à tous ceux que je rencontrois : je voulus faire la meſme choſe à ceux cy, qui ne le voulurent pas. Je regarday la Baniere de ces Vaiſſeaux ; mais je ne la connus point : & je m’imaginay meſme que c’eſtoit peut-eſtre le Prince de Phocée qui ſe déguiſoit. Apres qu’ils eurent donc refuſé d’abaiſſer leur Pavillon, le les attaquay : & tournant d’abord la Proüe vers le plus grand des quatre, je luy donnay la chaſſe durant plus d’une heure. Comme il ne vouloit point combatre ? il voulut ſe ſervir de la force des voiles :