Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/643

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que les Chirurgiens luy en avoient dit. Mais Tiſandre l’interrompant, Non non Seigneur, luy dit il, je n’ay plus de part à la vie : c’eſt pourquoy je vous conjure de ſouffrir, que j’employe les derniers momens de la mienne, au ſouvenir d’une Perſonne, qui en faiſant tout mon bonheur, a fait auſſi toute l’infortune du plus cher de mes Amis. En diſant cela, il tourna la teſte du coſté de Thraſibule : & luy donnant cette meſme Lettre qui l’avoit fait tomber en foibleſſe apres l’avoir eſcrite, & qu’il s’eſtoit fait rendre depuis qu’il eſtoit revenu à luy ; Tenez, luy dit il, mon cher Thraſibule : je vous fais depoſitaire de mes dernieres volontez : rendez s’il vous plaiſt cette Lettre, à noſtre chere Alcionide : & comme je n’ay point murmuré, lors que je me ſuis aperçeu qu’elle a donné quelques ſoupirs au ſouvenir de vos infortunes : ne murmurez pas auſſi, quand elle donnera quelques larmes au ſouvenir de ma mort. Comme je ne feray plus d’obſtacle à voſtre bonheur, redonnez moy voſtre amitié toute entiere : & ne me regardez plus comme voſtre Rival, puis que je ne le ſeray plus. J’advoüe que vous meritez mieux Alcionide que moy : auſſi fais-je ce que la Fortune n’avoit pas voulu faire : & plus equitable qu’elle, je vous la laiſſe : & ſi j’oſe y pretendre quelque part, je vous la donne. En prononçant ces dernieres paroles Tiſandre rougit, & les larmes luy vinrent aux yeux : de ſorte que Thraſibule fut tellement touché de la generoſité de ſon Amy, que ne pouvant retenir ſa douleur, il s’aprocha de luy, & luy prenant la main, vivez genereux Prince, luy dit il, & ſoyez aſſuré que je ne vous envieray plus jamais, ſi je le puis, la poſſession de l’incomparable Alcionide. Je l’aimeray touſjours ſans