Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/65

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Quoy Seigneur, reprit elle, penſez vous que je n’aime pas la Princeſſe, autant que je ſuis capable d’aimer ? Ouy Marteſie, repliqua t’il, je croy que vous avez pour elle toute l’amitié imaginable : Mais ma chere fille (luy dit il encore, en la regardant malicieuſement) quoy que je ſois perſuadé que Feraulas ait pour moy une affection ſans pareille : je connois pourtant qu’il sçait aimer une perſonne que vous connoiſſez bien d’une maniere plus parfaite, que celle dont il aime Cyrus. Vous eſtes bien bon, luy dit elle alors en rougiſſant, de ſouffrir que Feraulas aime quelqu’un plus que vous : pour moy qui ne ſuis pas ſi indulgente, je vous avouë que quelque reſpect que je vous porte, j’ay quelque peine à ſouffrir que vous diſiez que vous aimez mieux la Princeſſe que je ne l’aime. Mais apres tout, je voy bien qu’il faut faire la paix aveque vous : & pour accommoder les choſes, dit elle en tirant ce Portrait de ſa poche, je vous le preſte juſques à ce que vous partiez pour aller en Armenie. Cyrus ravi de joye ; & recevant cette Peinture avec un reſpect auſſi profond que ſi la Princeſſe l’euſt pû voir : la baiſa en la recevant, & donna tant de marques de ſatisfaction à Marteſie, qu’elle eut lieu de ne ſe repentir pas, de la complaiſance qu’elle avoit. En ſuitte Cyrus qui ne l’avoit point entretenuë de puis ſon départ de Themiſcire, luy demanda cent & cent choſes differentes. Il voulut qu’elle luy racontaſt tout ce qu’il avoit déja sçeu : c’eſt à dire enlevement de la Princeſſe par Philidaſpe : de quelle façon elle avoit eſté conduite à Opis : comment elle eſtoit entrée à Babilone : comment elle y avoit veſcu : de quelle ſorte elle y traittoit le Roy d’Aſſirie : comment elle vivoit avec Mazare : comment elle eſtoit ſortie de Babilone pour venir