Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/85

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point ſon Rival, s’il arrive qu’il aime Teleſile, comme j’y voy quelque apparence. Je ne sçay pas encore bien, luy dis-je, ſi je l’aimeray : mais je sçay bien que j’ay déja beaucoup d’admiration pour elle. C’eſt une grande diſposition à l’amour, me repliqua t’il : mais Thimocrate (adjouſta cét officieux Amy, en prenant un viſage plus ſerieux) ne vous rendez pas ſans combattre : puis que Teleſile eſt une perſonne de qui la conqueſte a pluſieurs obſtacles. Je la combatray, luy dis-je, en la fuyant ; car vous sçavez que je parts demain. Mais, luy dis-je encore, quels ſont les obſtacles qui ſe trouvent à la conqueſte de Teleſile ? Et eſt il poſſible qu’une perſonne qui a tant de douceur dans les yeux, ait plus de rigueur que les autres Dames ? Teleſile, me dit il, a ſans doute paru juſques icy fort indifferente, à tous les ſervices qu’on luy a rendus : Mais ce n’eſt pas par cette raiſon que je vous advertis qu’elle eſt difficile à conquerir : car, adjouſta t’il flateuſement, le merite de Thimocrate pourroit faire, ce que celuy de tous les autres n’auroit point fait. Mais il y a quelque choſe de plus capricieux à ſa fortune : Vous sçaurez donc (pourſuivit il, voyant que je l’écoutois attentivement ſans l’interrompre) que Teleſile qui eſt de fort bonne Maiſon, puis qu’elle eſt fille de Diophante dont vous connoiſſez le Nom, peut eſtre fort pauvre : & peut eſtre auſſi extraordinairement riche. Si vous ne m’expliquez m’ieux cét Enigme, luy dis-je, je ne le comprendray pas : Vous le comprendrez aiſément, repliqua t’il, quand je vous diray que Diophante Pere de Teleſile, a preſentement tres peu de bien ; parce qu’il ſe ruina à la guerre de la Beoce : & qu’ainſi Thimocrate, ſi Teleſile n’a que le bien de ſon Pere elle ſera pauvre, quoy qu’elle ſoit