fille unique : eſtant certain qu’encore que cette Maiſon ſubsiste avec quelque eſclat, c’eſt pourtant une Maiſon ruinée. Je voy bien, luy dis-je, par quelle raiſon Teleſile n’eſt pas riche : mais je ne voy pas ſi bien, par où elle la peut eſtre. Vous verrez encore mieux ſa richeſſe que ſa pauvreté, me repliqua t’il, quand je vous diray qu’elle a un Oncle appellé Crantor, qui eſt deſja aſſez vieux ; qui n’a jamais eſté marié ; qui eſt le plus riche homme non ſeulement de Delphes, mais de toute la Phocide, & de qui elle heritera, s’il ne ſe marie point, & qu’il ne donne pas ſon bien à un autre, comme il le peut ſelon les loix. De ſorte que comme Crantor eſt un capricieux avare, qui ne veut ny donner, ny aſſurer ſon bien à ſa Niece ; & qui teſmoigne pourtant par ſes diſcours, avoir aſſez d’amitié pour elle : Teleſile demeure dans cette faſcheuse incertitude, de pouvoir eſtre la plus riche ou la plus pauvre fille de ſa condition. De ſorte que cette incertitude fait, que ſon Pere ne ſonge point encore à la marier & que cependant il ne rebute auſſi perſonne : ne sçachant pas encore quel doit eſtre le deſtin de ſa fille. Ce que je voy de mieux, luy dis-je, pour ceux qui en ſont amoureux, c’eſt : que Crantor ne luy sçauroit oſter ſa beauté : Il eſt vray me dit il, mais comme tous les Amans ne ſont pas deſinteressez, il y en a pluſieurs qui en regardant les beaux yeux de Teleſile, regardent auſſi un peu outre cela les Threſors de ſon Oncle : ſi bien que jamais perſonne n’a eu plus d’Amants que cette fille en a. Car elle a non ſeulement tous ceux que ſa beauté a charmez, mais elle a encore tous les avares riches, & tous les ambitieux pauvres qui ſont à Delphes. Les premiers ſans ſe trop engager, attendent
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