Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/98

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Ce bruit ne vint pourtant point juſques à moy : car Meleſandre durant ce temps là, eſtoit : allé faire un voyage aux champs : & l’abſence m’a toujours eſté ſi fatable, que celle de mon Amy m’eſtoit ſouvent nuiſile, auſſi bien que celle de ma Maiſtresse. Mon Pere qui sçeut la choſe ; qui ne vouloit pas que j’euſſe la honte qu’Androclide me fuſt preferé ; & qui sçavoit bien que tant que je ſerois à Delphes il ſeroit difficile que je ceſſasse d’aimer Teleſile, ny que j’enduraſſe qu’Androclide l’eſpousast, ſans m’y oppoſer par toutes les voyes qu’un homme de cœur amoureux peut imaginer & prendre ; s’aviſa d’une choſe qui me donna une douleur bien ſensible, quoy qu’en apparence elle me deuſt reſjoüir, parce qu’elle m’eſtoit glorieuſe. Nous eſtions alors juſtement au temps où ce fameux Conſeil de la Grece dont j’ay deſja parlé eſtoit aſſemblé : & quoy que mon Pere n’en fuſt pas cette fois là, il y avoit pourtant grand credit. Si bien que pour me faire eſloigner d’un lieu où il apprehendoit qu’il ne m’arrivaſt. quelque malheur : il fit en ſorte que je fus choiſi par les Amphictions, pour eſtre envoyé à Milet, (d’où le Prince Thraſibule eſtoit party, pour des raiſons qui ſeroient trop longues à dire) afin de raporter un recit veritable de ce qui s’eſtoit paſſé en cette fameuſe Ville, qui eſtoit alors diviſée en deux factions oppoſées. Car encore que les Mileſiens euſſent envoyé un Deputé à l’Aſſemblée qui ſe tenoit dans le Temple d’Apollon, comme les reconnoiſſant Juges de leurs differens ; bien que les Grecs Aſiatiques n’euſſent pas accouſtumé de les reconnoiſtre : neantmoins comme il eſtoit du Parti oppoſé au ſage Thales Mileſien, les Amphictions voulurent en eſtre informez