Enfin, vous avez eu dispute.
L’histoire n’est pas longue. La pluie qui est survenue hier m’a forcé d’entrer dans un café. Je jouais une partie d’échecs : j’entends à quelques pas de moi quelqu’un qui parlait avec chaleur… Il racontait je ne sais quoi de son père, d’un marchand, d’un escompte de billets ; mais je suis certain d’avoir entendu très-distinctement : « Oui, tous ces négociants, tous ces commerçants sont des fripons, sont des misérables ! » Je me suis retourné, je l’ai regardé : lui, sans nul égard, sans nulle attention, a répété le même discours. Je lui ai dit à l’oreille qu’il n’y avait qu’un malhonnête homme qui pût tenir de pareils propos : nous sommes sortis ; on nous a séparés.
Vous me permettrez de vous dire…
Ah ! je sais, mon père, tous les reproches que vous pouvez me faire : cet officier pouvait être dans un instant d’humeur : ce qu’il disait pouvait ne pas me regarder : lorsqu’on dit tout le monde, on ne dit personne ; peut-être même ne faisait-il que raconter ce qu’on lui avait dit, et voilà mon chagrin, voilà mon tourment. Mon retour sur moi-même a fait mon supplice : il faut que je cherche à égorger un homme qui peut n’avoir pas tort. Je crois cependant qu’il l’a dit parce que j’étais présent.
Vous le désirez : vous connaît-il ?
Je ne le connais pas.