la crainte qu’elle sentait confusément couler entre eux. Elle disait aussi de jolis mots familiers inventés tout exprès pour murmurer les choses qu’on aime. Lui restait inquiet :
— « Tu n’iras pas… » La mère survint et reprit les mêmes paroles. Car elle chérissait le jeune homme doux et généreux qui lui prouvait, par le don de belles étoffes neuves, la tendresse portée à Eréna. — Celui-là fâché et perdu, la fille ne trouverait point de tané semblable, parmi les turbulents marins de passage ! Mais, en dépit de tous les efforts, et que l’amant promît une belle plume bleue pour orner le chapeau de fête, Eréna ne convenait point que sa promenade au navire ferait peine, une lourde peine aux entrailles d’Aüté. — Pourquoi réclamait-il ainsi disposer d’elle ? Ses tané tahitiens, indifférents à ses jeux de petite fille, lui demandaient seulement sa présence pour les nuits, et de leur tresser les fibres de fara qui donnent de si jolies nattes. À quoi bon s’occuper du reste et s’inquiéter de ses amusements ? Ces navires étrangers sont toujours pleins de beaucoup d’objets curieux que les marins vous laissent emporter, surtout quand ils sont ivres, en échange de si peu de chose : quelques instants passés près d’eux, dans le ventre du bateau…
Mais voici qu’il pleurait maintenant, son amant chéri ! et c’était une autre affaire : les larmes ne sont bonnes que pour les petites filles, et si l’on peut les entourer de cris, de sanglots, et de certains mots dé-