La foule grondait, indécise. On réentendit de toutes parts :
— « Iésu-Kérito, notre père, donne-nous de faire mourir tous les chrétiens ! »
— « Hiè ! hiè ! » siffla Paofaï : « Dites : Oro ! dites : Tané ! dites : Ruahatu ! ou bien : dieu-peint-en-rouge ! dieu-peint-en-jaune ! dieu à l’œil-contourné ! Mais ne changez pas de noms, ne changez pas d’atua, ne changez pas… »
Ses imprécations se perdirent dans le tumulte croissant, comme une rivière, même gonflée, disperse impuissamment sa limpidité dans la vaste mer saumâtre. Malgré qu’il égalât les plus grands parleurs de tous les temps oubliés, les Mamaïa, sans écouter plus, poursuivaient leurs prières équivoques. Téao, sans doute épuisé par l’emprise du dieu et les faveurs des filles, avait tu ses paroles. Mais d’autres inspirés se levaient de tous côtés, et dans chacun de ces inspirés, surgissait un dieu. Certains criaient : « Le souffle est sur moi de Iohané le Baptiseur ! Il annonça le Kérito ! J’annonce un autre… un autre ! » — « Paolo » proclamait-on, « Paolo me conduit et m’enseigne : j’éclairerai les yeux aveugles que les Missionnaires n’ont pas su rouvrir ! » Des cris d’humains sans sexe, sans années : « Mikaëla ! » — L’Esprit Bon ! le Souffle… — Salomona ! tu m’aideras : je dirai des parlers nouveaux ! la Bonne-Parole n’est pas close !
— Oro est mort — Abérahama redescend parmi les hommes ! — Oro est mort — Iohané ! — Iésu —