Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/300

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abattaient les grands arbres alentour. D’autres plus rusés, dérobaient, aux ponts des rivières, des planches toutes prêtes. Bientôt le tas en fut plus gros qu’une estrade pour juger. — Puis, au bout d’une lunaison, l’on s’étonna que tout ne fût point fini. N’était-ce pas mauvais présage, et signe que le dieu, peut-être, ne voulait point habiter là ?

Iakoba secoua les épaules ainsi qu’un Missionnaire qui méprise.

— Enfin, les gens de bonne volonté se dérobant, on avait recouru aux travailleurs contraints par la Loi. Ceux-là furent empressés moins encore : ils réclamaient avec violence : les effets de la Turé, — les châtiments et le Travail Forcé, — ils avaient cru tout cela fugitif, et que la Loi s’envolerait après la saison des pluies, leur laissant le souvenir, sans plus, d’avoir été si bien jugés ! mais la Loi tenait bon. Ils s’indignèrent. Beaucoup d’entre eux, prétextant le culte du Seigneur, s’écartaient dans les broussailles avec des femmes, et ne reparaissaient plus. D’autres qui revinrent épouvantèrent les fétii : ils avaient vu de vieux arbres sacrés, à l’entour du maraè ravagé — on le piétinait presque — ils avaient vu ces arbres suer du sang, sous la hache, et l’eau vive Punaáru couler toute rouge…

Le diacre, cette fois, s’impatienta. Ainsi, quand les Missionnaires et le Chef s’étaient, durant vingt années, employés à chasser de tous les esprits les superstitions d’autrefois, voici que des gens venaient